interview : Saint André lez Lille / Loïc et Cyprien-2

Collectif tous acteurs de notre ville, septembre 2018 :

A la suite du passage de Tristan Rechid, un groupe d’habitants se décide à lancer un cycle de cafés citoyens.
En reprenant le slogan de Tristan « le politique c’est l’habitant », a émergé l’idée de stimuler les énergies dans la ville, de bien dire que ce cycle existe parce qu’il va y avoir des élections en 2020.

« Pour le festival Curieuses Démocraties, « Osons des listes participatives en 2020 », nous paraissait le slogan parfait et l’occasion de faire participer les gens à un cheminement alternatif.»

Mais on a fait face à peu de mobilisation,
on avait affiché un enjeu métropolitain, ce qui était une erreur, ça a découragé les locaux, localement, on n’a eu aucun média local, on a eu un peu la gueule de bois, façon « le réveil citoyen c’est foutu pour ici ».
Frustration profonde que les gens n’aient pas été accrochés.
Malgré l’aide de LBD, dont beaucoup ont pris le soin de venir de loin. Il y a eu un problème d’agenda,
plusieurs évènements écolos dans la métropole, etc…

Mais discuter de la démocratie, ça n’attire pas, les gens veulent du concret.

En revanche, on a été « observés » à cet endroit. Les gens de la REM ont dit qu’ils ont cessé de nous parler parce qu’il y avait un gilet jaune de Commercy dans la table ronde, et LFI parce que nous étions un sous-marin du parti « La Belle Démocratie », avec même des « ayatollahs du municipalisme »
Ce dont on s’est rendu compte, et là en positif, à travers le festival, c’est qu’il y avait des gens capables de se mobiliser pour l’organisation de ce genre d’évènement. Un petit groupe d’une trentaine de personnes peut donc motiver un plus grand nombre pour construire demain.

Le problème chez les militants classiques, c’est que tout est politicien, personne n’est là par curiosité, pour s’informer :
leur présence indique forcément une sympathie ou leur absence un rejet.
« Tu as un festival sur la démocratie, et pas un élu de ta ville ne vient… Même pas juste pour serrer des pognes et se montrer. »
Pourtant dans le nom tout est dit « Curieuses démocraties », on se disait qu’à six mois des élections, même par opportunisme, tout le monde se précipiterait pour savoir à quoi ça ressemble, la Démocratie.

La constitution de « Osons ! »

Juste après le festival (dans les quinze jours), il y a eu une réunion où s’est posée la question de trancher entre ceux qui veulent y aller et ceux qui ne veulent pas. Pour des amis qui vivent ensemble quelque chose d’assez exceptionnel depuis six ans, c’était lourd et tendu. Il a fallu se positionner, et Philippe s’est exclu de ce qui allait arriver après, d’autres ont clairement déclaré vouloir faire quelque chose, hors « Collectif », et initier un début d’assemblée locale.

Ça ne pouvait pas se faire au sein du Collectif, qui freinait sur l’objectif,
et en Décembre, on s’est servi de Loïc (élu) pour bloquer une salle municipale et provoquer des réunions. Difficile, au début, des gens nouveaux sont apparus, pour ensuite disparaître dans d’autres listes, il y a eu des discussions en parallèle pour faire une liste unie de gauche, qui n’a pas abouti, et après un certain temps, beaucoup ont rejoint notre dynamique.

On s’est retrouvés là face à des individus ayant un passé lié aux partis politiques, qui, à ce moment ont fait un choix, certains avec une arrière-pensée (un en particulier). Beaucoup ont bougé parce qu’ils étaient incapables de créer quelque chose, et nous ont collé l’étiquette « de gauche » que nous refusions « même si.. », parce que ça les satisfaisait.

A la sortie du premier tour, ces gens-là traînaient des pieds, regrettant que la liste ne soit pas clairement identifiée « gauche unie », (sic), y voyant même la raison de l’échec ; certaines fractures avec les gens de partis ne s’effaceront pas.

« La vraie victoire, finalement, a été de n’avoir pas mis tous les moyens en œuvre pour parvenir. »
Sinon, sur la représentation, penser que des gens « représentent nativement » la société est totalement à côté de la plaque. On a besoin de mettre en place une perméabilité entre les instances et « les gens », et c’est bien ça qui ne fonctionne pas aujourd’hui.
On est contents qu’avec Osons, on n’ait pas servi la soupe aux électeurs pour arracher leur vote. C’aurait été dévoyer la démarche. La vraie victoire, finalement, a été de n’avoir pas mis tous les moyens en œuvre pour réussir. Si la tête de liste avait battu la campagne, si on était allé voir les gens les yeux dans les yeux, c’aurait été différent.

Le résultat, c’est que nous ne sommes pas aux manettes.
Mais quelque chose a émergé.
En plus de l’état actuel des choix laissés aux électeurs, 3 listes du même bord et pas d’opposition.
Notre démarche à nous était de capitaliser sur une valeur qui prendrait du sens au moment des élections. Il fallait laisser une trace au niveau électoral de tout le travail qu’on a fait avec le collectif, tant sur le mandat de Loïc que pendant les cafés citoyens, qui permette à ceux qui nous ont suivi, qui ont été témoins de ce qu’on a fait, de voir un résultat, le pire aurait été qu’on ait disparu du paysage.

Il y a une vraie différence entre élections municipales et nationales.
Les étiquettes ont tendance à s’estomper. Les électeurs ne savent pas forcément qui ils avantagent lorsqu’ils votent aux municipales. Les partis sont en sous-main, on les voit arriver juste au moment des élections, en posture de sachant et maîtrisant, mais qui n’ont eu aucune implication dans les affaires de la ville. Ils amènent ce prérequis qu’eux seuls comprennent l’ordre des choses, ce qui a vraiment de l’importance, etc. Et la presse, même locale, joue ce jeu-là. A partir du moment où quelqu’un se positionne avec une étiquette, il obtient une tribune. Ici, la REM est particulièrement exemplaire de ce phénomène.
Ça participe au trouble d’identification au moment des élections locales. Même les associations ne veulent pas discuter avec nous, pour ne pas se couper des institutions en place, de peur de perdre leurs accréditations, leur salle, leurs subventions. Dur à accepter !

Le désintérêt des gens pour la politique est largement encouragé par ce système « laissez-nous faire, on s’en occupe pour vous ».
Et il y a aussi un vase clos entre fonctionnaires et élus…

Le premier tour

Ensuite en Décembre on a commencé à travailler sur une charte à deux « jambes » : une « boussole démocratique », une autre « pacte de la transition ».

Un côté très méthodo et auto-questionnement, et l’autre, la coloration « transition écologique » de la liste, le point de tension face à la posture « sans programme, sans candidat ».
C’est un peu ce qui a causé la rupture, le choix de se positionner sur la couleur qu’on pouvait afficher.

Pourtant ces deux jambes ont été un vrai soutien pour affirmer les valeurs de Osons, même si on ne les a pas prises dans leur intégralité. (la dimension sociale manque dans le Pacte). On a été relancés pour signer le pacte et c’était devenu un chantage style « les autres l’ont fait, et pas vous ? » Mais le rôle du pacte signé, c’est aussi un élément de communication important pour se faire entendre.

LFI a chaque fois dit que nous portions quasiment leur programme. Mais on n’est pas d’accord avec le côté partisan. Ni avec le personnage mis en avant en tête de liste, et pourtant, ça marche.

Le problème avec le Pacte, c’est que même des gens qui prônent l’imperméabilité à tout crin l’ont signé, sur Lille. Donc, problème de différenciation.

Janvier, des gens de la gauche reviennent vers nous, la question de qui va être sur la liste se pose.
Le choix de la tête de liste était évident, même à son corps défendant : Loïc se mettait volontairement en retrait, mais bouillait de ne rien voir arriver. Le fait de l’absence d’alternative, le contexte social / amical a boosté le truc, et puis après tout, il s’agissait juste d’un effort de trois mois pour porter la liste, et une fois le process lancé, il pouvait se retirer. Et pouf ! confinement, report du deuxième tour 😉

Le fait qu’on en revienne toujours au leadership obligé, c’est un peu navrant, et d’un autre côté, si on veut que ça bouge…
Du coup on s’est mis en mode action pour les élections, sonder le tour de table pour savoir qui voulait entrer dans la constitution de la liste : on n’a pas fait une liste participative, mais une liste de coalition avec ceux qui voulaient bien en être, on a fait ce qu’on a pu, loin de nos désirs de départ, ce qui a généré beaucoup de frustrations et de désaccords au sein de l’équipe, parce qu’on n’avait pas de parcours commun, et que beaucoup portaient des enjeux qui n’étaient, donc, pas communs. Et beaucoup ne se sont projetés que vers l’option « on sera gagnants ! »

Deux mois pour tout faire… En face de trois autres candidats pour qui nous étions une menace.

« Un moment fort quand Loïc a pris la parole après les résultats le donnant perdant, avec tout le groupe l’applaudissant devant l’équipe gagnante médusée :
« Avec ces chiffres, madame la maire, vous allez devoir compter avec nous ! »
« Et merde, rien que pour vivre des moments comme ça, ça valait le coup » dit Cyprien.
« là, on a vibré ! »

Moment d’émotion que Loïc n’arrive pas à cacher.

Ce qui est lourd, quelquefois, pour celui qui accepte d’endosser le leadership,
c’est l’incompréhension dont il est l’objet entre l’intuition de la nécessité objective et des intentions personnelles. Pas tellement dans le jugement des autres, mais surtout l’injustice ressentie d’un rôle ingrat à endosser.

Cypren ajoute :  Honnêtement, ce rôle, personne d’autre ne pouvait l’incarner.

Mais si on s’en était donné les moyens, deux ans avant, on aurait non seulement gagné, mais en plus réussi, parce qu’on avait les capacités de beaucoup mieux gérer la ville que l’équipe en place.

Mais c’est quand même une bonne chose pour nos vies de famille, notre équilibre psychologique, nos énergies.