interview : Saint André lez Lille / Julien-2

Collectif tous acteurs de notre ville, septembre 2018 :

A la suite du passage de Tristan Rechid, un groupe d’habitants se décide à lancer un cycle de cafés citoyens.
En reprenant le slogan de Tristan « le politique c’est l’habitant », a émergé l’idée de stimuler les énergies dans la ville, de bien dire que ce cycle existe parce qu’il va y avoir des élections en 2020.

La phase de structuration d’un collectif est fastidieuse, surtout quand tu n’as pas de formation sur l’animation. Tu ne veux pas perdre la personne qui te pourrit les réunions, alors qu’il faudrait…

On s’est retrouvés à trois, et la formation avec Tristan a relancé la dynamique.
Ça nous a ouvert les yeux sur ce qu’on ne faisait pas bien.
Julie est arrivée avec le projet du Bus Magique, et des gens de la MRES, qui se cherchaient aussi.

Je n’aurais jamais pensé que l’objectif atteint était celui que j’y ai trouvé.
J’avais en tête de me marrer, boire des coups avec des potes, d’essayer de changer la démocratie locale.
Et la palabre, ça m’excite beaucoup.
Avec les techniques d’animation, tu oublies ces côtés un peu futiles, et il faut arriver à trouver un équilibre entre travail et fun.
Prévoir des temps de partage lâchés, entre réunion de travail strictes, c’est nécessaire.

Ce qui est ennuyeux, c’est quand la méthode écrase les éléments bloquants. Par exemple, les votes pondérés ne doivent pas éliminer les notions qui sortent, il faut les garder dans sa besace.

Ce n’est pas le but qui est le plus important, les évènements qui bordent le chemin le sont autant.
D’où la nécessité d’une facilitation qui recueille les pépites qui bordent le tracé.
Le collectif, c’est un « atelier d’initiative citoyenne ».

Osons a pris de l’indépendance vis-à-vis du collectif, ce qui devrait permettre à celui-ci de retourner dans l’expérimentation.
L’animation est encore un peu trop dogmatique et lourde. Le fait de préparer l’animation, de rentrer dans une méthode alourdit un peu les avancées.

Au moment d’Osons, je me suis retrouvé à devoir animer en même temps les cafés citoyens du collectif et les premières assemblées d’Osons. Ma posture était d’être « au service ».
Mais le projet du bus magique, et ma vie familiale ne me laissaient pas beaucoup de temps.
Ce qui est compliqué, c’est que je m’efforce d’être humble, que j’ai souvent l’impression qu’on ne m’écoute pas, mais si je ne suis pas là, on me dit que ce n’est plus pareil. Comment faire pour se rendre « remplaçable » ?

Au bus magique, c’est plus simple,
il s’agit de construire, et c’est le lieu des gens qui l’ont construit avec moi. J’ai accepté que des gens décident malgré moi.
Julie, elle, vient de loin dans ce projet, trop loin pour y renoncer du jour au lendemain.
En fait, je me dis que ce que je vis à chaque instant est plus important que l’aboutissement du projet.
J’ai pris un an sabbatique, j’ai vécu un peu sur des réserves, et après on s’est salariés, Julie et moi ; du coup comme l’activité était stoppée pendant les confinements, nous nous sommes mis en chômage partiel, et ce qui s’ajoute au confort avec mon ancien emploi, etc…

Ça a beau être le projet personnel qui me porte, je n’ai pas « capitalisé » sur le Bus.
C’est important d’avoir ça en tête, ne pas surinvestir la richesse apportée pour ne pas être déçu.

Le Bus, c’est un environnement, qui crée les conditions d’émergence de choses.
Il existe, il fonctionne économiquement avec restau, subventions publiques, c’est une association qui a des projets, un environnement qui lui permet de porter ces projets.
Avec deux porteurs salariés qui veillent à la pérennité de la raison d’être, c’est une aventure humaine, un ilot qui fait partie d’un archipel dans lequel on échange.
Mon idéal, ce serait d’être dans l’intendance quotidienne, et d’être capable d’accueillir et de flécher les initiatives qui se présentent, comme un gardien de phare.

C’est éminemment politique, puisque ça crée les conditions d’une nouvelle société. Si celle-ci ne te convient pas, créé les conditions d’une nouvelle, mais ne lutte pas contre celle-ci, c’est contreproductif.

Le problème c’est qu’on a souvent un dessein qui dépasse nos capacités.
Finalement, en se focalisant sur l’objet, à un niveau micro, on avance sur des objectifs concrets. Le type qui a posé le bar, il est venu, il a fait son boulot, il est reparti. Mais pendant ce temps-là, on a discuté. Souvent quand on est dans la transition, on a toujours un dessein politique trop grand, alors qu’on a des actions concrètes à petite échelle, et laisser les choses se construire, observer, accompagner.

La difficulté c’est d’éclairer médiatiquement ce genre d’action.
Quel pourrait être le rôle d’une entité intellectuelle méta dans ce genre d’éclairage ?

D’être à même de créer un réseau d’influence capable de générer une médiatisation suffisante à diffuser l’existence de ces micro-actions.
D’un autre côté, on lutte contre un système avec des armes inadaptées.
Le poids que nous fait peser la finance et qui nous paralyse, on y participe.
« T’as un peu de sous de côté, place les »

Mais qu’est ce qui empêcherait les gens de créer une autre structure ?
Et puis l’axe de l’influence politique, qui fait voter des lois favorisant la croissance, un système justifié par la sécurité de notre protection sociale.

Si la croissance (le système) s’effondre, la protection sociale s’effondre également. Les garants de ce système se cooptent, et nous, acteurs de la transition, refusons d’utiliser ces méthodes « dégueulasses » par déontologie.

Il y a le pouvoir institutionnel, les réseaux d’influence, les corporations (corps intermédiaires).