interview : Saint André lez Lille / Julien-1

Collectif tous acteurs de notre ville, septembre 2018 :

A la suite du passage de Tristan Rechid, un groupe d’habitants se décide à lancer un cycle de cafés citoyens.
En reprenant le slogan de Tristan « le politique c’est l’habitant », a émergé l’idée de stimuler les énergies dans la ville, de bien dire que ce cycle existe parce qu’il va y avoir des élections en 2020.

A l’époque où j’ai intégré le Collectif, au tout début, donc, il s’agissait de sauver une classe. « Faire une école qui ne soit pas une prison ».

Pour moi, la question principale, c’est quel sens donner à ma présence au sein de la société, qu’est-ce que je vais transmettre à mes enfants, qui soit en accord avec mes valeurs d’adolescent ?
On avance vers un idéal, et passé le stade du jeune adulte, la réalité se charge de nous faire rentrer dans le rang.

Nous sommes en plein paradoxe,
qui nous fait balancer entre un confort matériel qui n’est pas pérenne, parce que les conditions de ce confort sont toxiques.
Il y a un fond de conscience de l’enjeu climatique, des inégalités sociales, de la discrimination par le sexe, la « race », etc…
Mais on est dans une situation où il faut choisir entre continuer à bénéficier des « bienfaits » d’un confort obsolète et accepter une mission qui nous confère une certaine responsabilité envers notre avenir commun, ce qui est un peu lourd à porter, et il faut bien dire que la nature humaine préfère se voiler la face et profiter du confort du présent plutôt que l’abandonner.

En fait, je fais moi-même des aller-retours entre ces deux camps, ce qui m’évite de choisir. Mais ta conscience te rappelle à l’ordre quand tu baisses la garde.
Mais quand tu es dans l’effort, le militantisme, c’est usant, et quand tu croises « les autres » qui n’ont pas le même schéma, tu les méprises ou les jalouses, « est ce qu’ils n’ont pas raison d’en profiter ? »
Mais si tu ne choisis pas, tu deviens schizo, à partir du moment où tu as « vu » la réalité.

Les gilets jaunes, j’ai ressenti ça comme une réaction à un mépris de classe :
« on est acculés, isolés, on n’arrive pas à accéder au modèle social commerçant que nous propose la société »,
et dans un deuxième temps, un travail du « quoi faire ?» avec une classe intellectuelle, ravie de trouver enfin une audience populaire réactive et bouillonnante pour travailler les sujets qu’ils n’avaient que théorisés depuis des années.

Il en reste quelque chose, mais la mobilisation a chuté. On passe du combat de masse, violent, qui ose s’affronter à la violence répressive, à autre chose, notre histoire faite de grands soirs, aspire à quelque chose de plus grand, et c’est ça qui emmène les gens. Mais le résultat n’est pas là…
La limite de légitimité de mon propos, c’est que je ne suis pas allé sur les ronds-points, et que, de mon point de vue, ce qui reste de tout ça, c’est la violence montrée à la télé.

La transition, ce n’est pas le grand soir, justement.
C’est : « comment fait-on pour, tout en restant en société, cheminer vers changement durable qui ne provoque pas de précarité économique ».
C’est la mise en place d’une organisation qui permet de lier tout ça, avec en préalable le travail d’aller chercher ce qui existe, d’accompagner, de créer du sens.

La façon dont tu achètes est déjà un acte politique.
Même le choix de la personne avec laquelle tu veux vivre est un acte politique, par exemple, en reproduisant un schéma social, quel qu’il soit.

Mais « la politique », c’est nommer les choses, définir un axe visible.
Or la transition ne « nomme » pas, et c’est le problème, parce qu’on n’ose pas se mettre à dos des gens qui ne pensent pas comme nous.

On avait animé une visio un atelier pour parler transition (entre le bus magique et un autre espace)
« c’est quoi habiter la ville, avec la transition ? »

On s’est dit qu’on était tous des montagnards, vivant dans des ilots, des villages, un peu en autarcie. Et vite, finalement, on doit prévoir des routes qui relient ces villages entre eux pour alimenter les besoins. Si on arrêtait de voir la ville comme un grand tout, on recréerait des conditions de vie qui nous permette de trouver 90% de tes besoins sociétaux à portée de main.

Donc on a refait un atelier avec des gens qui n’avaient pas encore approfondi la théorie, avec comme but de théoriser en intégrant tout le monde.
Mais la co-construction n’est peut-être pas l’alpha et l’Omega de la construction commune. A chaque fois qu’on rajoute une personne, on tourne vite en rond, on doit tout recommencer de zéro.
Il faut un cadre, un socle de connaissance commun, un discours commun, et ne pas reculer devant l’exigence de la tâche.
Tout le monde n’avance pas à la même cadence.
Mettre en phase l’idéologie que chacun est légitime dans ses idées, son avis, et son action, et l’exigence de la conscience que tout le monde ne va pas s’investir de la même façon, ni sur la durée, ni sur l’intensité. Et aussi bien prendre conscience de l’impact que ça a sur tous.

J’étais là au tout début du collectif, à la sortie de l’école, pour la défense d’une classe :
« si vous fermez une école, vous ouvrez une prison »
On s’est retrouvés face à une situation locale compliquée,
où la frustration de ne pas pouvoir faire avancer les choses était pesante. L’aventure humaine et quelques soirées festives s’y mêlant, on a construit une liste.

Le facteur humain est important,
parce qu’entre potes, si on ne trouve pas un chemin commun, ça peut causer des pleurs réels, une vraie souffrance.
Du coup le leader s’impose, en tant que chef de meute. Tout va très vite, on avance, on construit.